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Les arrestations récentes effectuées par la GRC dans le cadre de l’opération portant le nom offensant de « Projet Samossa » ont généré beaucoup de questions et d’incertitudes dans les communautés ciblées par l’Islamophobie et le racisme. Ce communiqué communautaire vise à fournir de l’information et des conseils à ce sujet. Nous espérons que cela contribuera à renforcer la résistance confiante face au profilage, la marginalisation et la criminalisation.
Qu’est ce que la Loi antiterroriste du Canada?
La Loi antiterroriste canadienne a été adoptée en décembre 2001 à la suite des événements s’étant produits aux États-Unis le 11 septembre. Le gouvernement libéral de l’époque a accéléré l’adoption de cette loi en muselant les débats sur les abus potentiels et en refusant tout amendement substantiel.
Les objectifs explicites des changements à la législation étaient de permettre au gouvernement d’agir de manière “préventive” et d’élargir la définition du terrorisme afin d’y inclure un appui indirect.
La Loi a inscrit de nouveaux délits au Code criminel, incluant le financement et la facilitation des activités terroristes. Elle donne aussi davantage de pouvoir aux forces policières, notamment de leur permettre d’effectuer des arrestations « préventives » et de forcer des témoins à témoigner devant un juge. Un usage plus large des preuves secrètes a aussi été permis. De plus, la Loi antiterroriste rend plus facile pour les agences de sécurité d’utiliser la surveillance électronique.
Deux des mesures ayant générées le plus de controverses, les arrestations préventives et les enquêtes d’investigations (forçant des témoins à témoigner), étaient temporaires et sont tombés à échéance en 2007. Ils ont été réintroduits par le gouvernement conservateur à l’automne 2007 et ensuite ré-réintroduits dans le projet de loi C-17, Loi sur la lutte contre le terrorisme, qui est présentement au stade de la première lecture au Parlement.
Il est important de noter que la plupart, sinon la totalité, des activités de la Loi antiterroriste visent des crimes et des prétendus délits terroristes qui pourraient simplement – et avec bien moins de stigmatisation – être entendues comme des conspirations criminelles « ordinaires ».
Au cœur de la définition légale d’une activité terroriste – ce qui la distingue d’un crime “ordinaire” se trouve la « clause de motivation », stipulant que la Couronne doit prouver qu’une activité terroriste a été commise pour des motifs politiques, religieux ou idéologiques. En 2008, après que les avocats de Mohammad Momin Khawaja eurent plaidé que la Loi anti-terrorisme violait les libertés fondamentales de conscience, de religion, de croyance, d’opinion et d’expression, la Cour a déclaré que cette section de la Loi antiterroriste était inconstitutionnelle. Dans sa décision, la Cour a convenu qu’en portant l’attention de l’État sur les croyances religieuses et politiques de certains individus et de certaines communautés, la « clause de motivation » présentait un danger de profilage racial et religieux. Bien que cette décision soit présentement en appel, ce cas d’espèce illustre les problèmes avec la législation antiterroriste canadienne et nous rappelle que celle-ci peut (et doit) être contestée.
Dans la législation antiterroriste canadienne, les délits sont définis de manière très vague. Voici quelques exemples :
Qu’est-ce que cela signifie que des individus soient arrêtés en vertu d’accusations liées au terrorisme?
Malgré la manière dont l’État et les médias dressent le portrait des récentes arrestations, le seul fait que des gens soient arrêtés ne signifie pas que ceux-ci soient coupables d’un méfait ou d’un crime quelconque.
C’est un pilier du système de justice canadien que les gens sont réputés innocents jusqu’à preuve du contraire. Cela vaut pour les cas de terrorisme comme pour tous les autres cas criminels. Il existe en fait de multiples exemples d’agences policières et du renseignement qui sont complètement dans l’erreur. De plus, tel que souligné plus haut, la législation antiterroriste canadienne est définie de manière très vague et a le potentiel de d’inclure des actes que la plupart des gens ne considèrent pas comment étant problématiques.
Tout ce que ces arrestations signifient c’est que la police a accusé des individus d’avoir enfreint la loi. Ces accusations ne sont pas prouvées et demeurent de simples allégations.
Pourquoi sont-ils en prison ou soumis à des conditions s’ils n’ont pas été trouvés coupables de quoi que ce soit?
Normalement, les personnes soumises à un procès au criminel sont détenus en prison avec la possibilité d’être libérés sous caution pendant qu’ils attendent le dénouement de leur procès. Les accusés auront normalement des audiences de mise en liberté sous cautions dans les premières semaines suivant leur arrestation.
Malheureusement, les préjugés, la peur et des considérations politiques entrent aussi en ligne de compte dans les décisions des tribunaux. Cela peut signifier que les personnes accusées de terrorisme, qui seraient libérées si elles faisaient face à des accusations tout aussi sérieuses mais moins sensationnelles, soient davantage susceptibles d’être maintenues en détention en attendant leur procès. Si elles ne sont pas libérées lors de leur audience initiale, elles peuvent postuler à nouveau pour une libération sous caution plus tard.
Si elles sont libérées en attendant l’issue du procès, ces personnes peuvent néanmoins être soumises à des conditions strictes ou même placées en garde à vue à domicile. Ces conditions peuvent plus tard être modifiées par les tribunaux à la demande tant de la Couronne que de la défense.
Jusqu’à quel point devrais-je parler d’une personne accusée que je connais?
En général, que ce soit en personne, au téléphone, par courriel ou sur Facebook, il est important de ne pas spéculer ou de répéter des faits sur des accusés, spécialement en ce qui a trait aux accusations criminelles qui ont été portées. Ce n’est pas tant parce que les accusés aient quoi que ce soit à cacher, mais plutôt parce que vous n’aurez aucun contrôle sur la manière dont vos commentaires peuvent être interprétés, présentés hors-contexte ou même manipulés.
Il est particulièrement important d’éviter de commenter à propos de la culpabilité ou non s’une personne accusée. Un principe à garder en tête est que tous sont innocents jusqu’à preuve du contraire.
Bien que vous devriez éviter de spéculer sur les accusations criminelles portées contre des accusés, parler d’une manière humanisante de la personnalité d’un accusé ou de d’autres aspects de sa vie peut être utile, à condition que ce ne soit pas de l’information compromettante (ou personnelle!).
Il est important de toujours garder en tête que les communications électroniques comme le courriel ou Facebook peuvent être archivées dans des bases de données accessibles aux agences de sécurité ou être placées sous surveillance. Comme question préalable, quand vient le temps de communiquer par courriel ou par Facebook, il est souhaitable de se demander si des conséquences négatives peuvent résulter d’un message qui serait transféré par inadvertance à la mauvaise personne ou rendu publique.
Que faire si quelqu’un que je ne connais pas me pose des questions concernant une personne accusée, des informations qui ont été publiées dans les médias ou ce que je pense de la situation?
Vous n’êtes pas obligé de parler à qui que ce soit simplement parce qu’on vous le demande. Si, pour n’importe quelle raison, vous vous sentez inconfortable il n’y a absolument rien de mal à dire poliment que vous ne vous sentez pas confortable à parler de la situation.
Nous devons reconnaître que le contexte actuel a créé une atmosphère de méfiance générale où il peut y avoir une tendance à suspecter les gens que l’on ne connait pas d’être des journalistes, des policiers ou mêmes des agents des services de renseignement. En même temps, il est sain et normal de discuter des enjeux et des questions qui touchent nos communautés et de maintenir une ouverture positive face aux étrangers et de maintenir notre confiance envers les autres. Il s’agit donc de trouver l’équilibre entre la compréhension des conséquences potentielles de nos mots et d’éviter les ragots et la spéculation, tel que souligné plus haut, tout en évitant que notre confiance fondamentale envers les gens ne soit anéantie.
Comment construire des communautés sécuritaires et ne pas être en proie à la paranoïa?
Le fait de savoir que les policiers et les services du renseignement nous observent et vont jusqu’à infiltrer des communautés spécifiques ne devrait pas nous rendre paranoïaques. La paranoïa peut nous diviser et affaiblir nos organisations et nos communautés. Bien que nous reconnaissions qu’il existe une surveillance active, nous devons éviter de répandre des rumeurs et d’accroître la suspicion et la peur. Il est important de maintenir notre solidarité.
Bien que nous ne devrions jamais accepter d’être contraints au silence, il est évidemment important d’être conscient de ce que nous disons, d’éviter les ragots qui peuvent manipulés pour être utilisés contre nous ou contre d’autres personnes.
Est-il sécuritaire d’aller à la mosquée?
Il est important de résister à la pression nous portant à éviter certains endroits (les mosquées, les centres communautaires, etc.) où vous iriez normalement.
Nous ne devons pas permettre que nos libertés et nos droits fondamentaux – incluant la liberté de conscience, de religion et d’association – nous soient confisqués par l’atmosphère de peur créée par les médias de masse et des agents du gouvernement
Aller à la mosquée avec des membres de notre famille ou des amis est une manière de soulager l’anxiété potentielle. Notre sécurité réside dans notre capacité de prendre soin les uns des autres et de refuser d’être divisés, isolés ou intimidés.
Si je m’implique dans des initiatives communautaires ou autres qui dénoncent le racisme et l’islamophobie entourant ces enjeux – incluant le racisme dans les médias et les courriers des lecteurs – serais-je placé sous surveillance?
Bien que les libertés fondamentales de croyance, d’opinion et d’expression soient formellement protégées par la Charte canadienne des droits et libertés, il est malheureusement vrai que la surveillance étatique, le harcèlement et l’infiltration frappent des communautés marginalisées sur des bases ethniques, religieuses ou racialisées, de même que les militants pour la justice sociale.
Bien que les gens doivent être conscients de cette réalité, nous ne devons pas permettre que ces tactiques nous réduisent au silence ou nous empêchent de participer dans des projets, campagnes ou manifestations pour la justice sociale. Non seulement n’y a-t-il rien de mal à dénoncer le racisme et l’islamophobie, mais nous devrions assumer avec assurance la responsabilité de le faire. Si nous ne le faisons pas, qui le fera?
Que devrais-je faire si la police cogne à ma porte ou demande à me parler?
Si des agents de police – de la GRC ou d’une agence provinciale ou municipale- vous approchent et veulent vous parler, rappelez-vous que vous n’êtes jamais obligé de parler aux policiers. Si vous ne souhaitez pas leur parler, dites le simplement et fermer la porte ou éloignez vous.
Les forces policières ne peuvent vous forcer à faire quoi que ce soit à moins de vous mettre en état d’arrestation, ce qu’ils ne peuvent faire que s’ils ont des motifs raisonnables de croire que vous avez commis une infraction. Il est aussi illégal de leur part de fouiller votre domicile, véhicule, local communautaire ou tout autre endroit à moins d’avoir un mandat de perquisition autorisé par un juge.
Vous n’êtes pas obligé de quitter les lieux si votre maison est fouillée grâce à un mandat de perquisition valide. En effet, vous avez le droit d’observer les officiers fouillant votre domicile.
Que devrais-je faire si le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) m’approche ou approche ma famille ou ma communauté?
Le SCRS est l’agence principale du renseignement du Canada et est souvent impliqué dans la recherche et la compilation d’information concernant des individus, des groupes ou des communautés avant qu’il n’y ait une quelconque indication à l’effet qu’un crime puisse être commis.
Des gens peuvent attirer l’attention du SCRS pour une diversité de raisons. Dans certains cas, cela peut être dû à leur implication ou leurs liens avec une organisation, une initiative ou un événement. Dans certains cas, cela peut simplement être dû à leur appartenance à une communauté visée. De toute manière, il n’existe pas de moyen à toute épreuve pour s’assurer que vous ou votre famille ne seront pas approchés.
La Réseau de la Commission populaire fait la promotion d’une non-collaboration totale avec le SCRS. Cela signifie refuser de répondre aux questions d’agents du SCRS qui se présentent à votre porte, refuser d’écouter quoi que ce soit que le SCRS peut souhaiter vous dire et rompre le silence et annoncer publiquement que le SCRS est venu vous visiter.
Décider de ne pas parler au SCRS ne signifie pas que l’on ait quelque chose à cacher, ni que l’on renonce à protéger nos communautés face à des gestes de violence arbitraires. Il est plutôt question de reconnaître que vous n’avez aucun contrôle sur l’information que vous donnez au SCRS : vos paroles peuvent être mal comprises, prises hors-contexte ou communiquées à d’autres agences situées à l’outremer (par exemple la CIA, le Mossad ou les mukhabarat de différents pays), et utilisées dans des procès injustes (comme des « listes terroristes) comme des preuves secrètes et sans sources. Il est pertinent d’ajouter que le SCRS est aussi aiguillé par des politiques domestiques et internationales qui ne prennent pas en compte les intérêts de toutes les communautés.
En général, vous n’êtes jamais obligé de parler au SCRS. Les agents du SCRS n’ont aucun pouvoir pour vous forcer à leur parler ou les écouter. Ils n’ont pas le droit d’entrer chez vous sans votre permission. Vous avez le droit de refuser de leur parler et de leur demander de quitter les lieux.
Si vous êtes approché par le SCRS, le meilleur moyen d’empêcher le SCRS de vous déranger est simplement de leur faire savoir que vous n’avez rien à leur dire. Le SCRS est à la recherche de « sources d’information » provenant de diverses communautés; si vous refusez de leur parler ils auront normalement très peu d’intérêt à revenir. S’ils continuent à vous approcher, demandez leur de contacter un avocat de votre choix afin d’établir un rendez-vous formel ou demandez à un avocat de les contacter de votre part.
Si vous êtes dans un processus d’immigration et on vous demande une entrevue formelle et obligatoire, ou bien si vous êtes dans une position vulnérable qui vous fait sentir que vous ne pouvez refuser de parler au SCRS, nous vous conseillons fortement d’insister pour que toute entrevue avec le SCRS soit menée en présence d’un avocat de votre choix.
Il est surtout essentiel de se rappeler que nous devons prendre soin les uns des autres. Les visites du SCRS peuvent être déstabilisantes et dérangeantes. Il est important de se serrer les coudes et de s’appuyer mutuellement lorsque les visites du SCRS se produisent et que nos communautés se trouvent sous surveillance.
Que puis-je faire par rapport au profilage de ma communauté et de ses membres par le SCRS et les autres agences ainsi que par rapport à la couverture médiatique hostile aux Musulmans?
a) Écrivez des lettres au rédacteur en chef qui expliquent vos objections au portrait raciste des événements et à la collusion des médias dans le ciblage des communautés musulmanes.
b) Demandez aux organisations dans lesquelles vous êtes impliquées (groupes communautaires, syndicats, partis politiques) de produire des déclarations dénonçant l’islamophobie, rejetant l’usage de preuves obtenues sous la torture, et insistant que le principe de l’innocence jusqu’à preuve du contraire s’appliquent pour tous.
c) Encouragez vos réseaux à refuser toute coopération avec le SCRS et distribuez le matériel concernant le SCRS (les liens web ci-dessus).
Où puis-je aller pour davantage d’information ou d’aide?
Les groupes suivants ont une série de documents avec de l’information pertinence et peuvent être capables de vous donner des conseils ou de vous référer vers des organisations ou des avocats en mesure de le faire.
À Montréal:
À Toronto:
À Ottawa:
Le Réseau de la Commission populaire est un groupe de travail du GRIP-Concordia qpirgconcordia.org 514.848.7585 info@qpirgconcordia.org
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